les cheveux lâchés tombant dans le bas de mon dos, je profitais des dernières minutes du soleil. depuis que je suis toute petite, j'ai cette règle afin que je ne reste pas toute seule en pleine nuit. j'aime cette tranquillité. j'aime habiter loin de la ville et profiter des joies des prairies verdoyantes, des rivières fraîches et des animaux sauvages. j'ai toujours connu cet environnement. voir le rire de mes parents, voir leur amour. je fais un petit coucou à notre voisin avant de passer la barrière qui annonce le début de nos terres. j'aperçois déjà la lumière de la chandelle dans notre petite maison. je pose ma main sur la poignée de la porte quand j'entends un cri perçant retentir. je pousse doucement la porte pour regarder à l'intérieur. je vois ma mère sur le sol qui se relève avec difficulté. mon regard croise celui de maman. je vois la terreur dans celui-ci. je vois qu'elle s'attendait pas à ce que je sois ici maintenant. Maybelle, sauves-toi. elle prononça mon prénom doucement mais accentua la fin de la phrase. la personne que je voyais de dos se retourne et j'aperçois son visage. j'aperçois la laideur, j'aperçois cette chose qui ne semble pas humaine. un sourire machiavélique se dessine sur son visage. je ne sais pas pourquoi. mon père est à bout de force pourtant je le vois se relever. j'ai envie d'aller l'aider. j'ai envie de le soutenir. cependant, un pas et c'est la laideur qui m'attrape et qui fait en sorte que mes pieds ne touchent plus le sol. Lâche ma fille. Si tu veux quelqu'un, prends-moi. non. je ne veux pas partir avec cette femme. non je ne veux pas que mon père ne soit plus avec nous. j'ai besoin de lui comme j'ai besoin de ma mère. Toi à sa place. son rire raisonne dans la maisonnée. le rire du diable en personne. je n'ai jamais entendu une chose comme celle-ci. mon père fonce droit dessus cette femme. cependant, il ne faut qu'un geste pour qu'elle le mette au sol.  au vue du sang qui sort de son corps, je sais que même s'il est encore vivant, il ne lui reste que peu de temps. papa. murmurais-je. je me retiens de ne pas fondre en larmes. maman m'a toujours dit qu'il fallait pas montrer sa peur, sa souffrance, sa douleur, devant les autres. il faut rester forte par rapport à l'extérieur. si on veut fondre en larmes, on doit le faire dans un coin, loin de la civilisation. une rage folle s'empare de maman. je peux dire que je l'ai toujours vu avec toute la douceur d'une mère, avec toute cette délicatesse. je sais qu'elle n'est pas le genre de femmes à se laisser marcher sur les pieds et papa l'a toujours crié sur tous les toits. je connais pas le passé de maman. je sais seulement que papa est un fils de paysans et qu'il a repris les terres. tout le restant me reste inconnu. je vois désormais maman dans un autre corps. j'ai l'impression que ce n'est pas elle. j'ai l'impression d'être en face d'une autre femme. elle se bat contre cette sorcière en faiblissant à aucun moment. elle est forte. très forte. je peux désormais toucher le sol. je ne perds pas de temps, je cours vers le corps de papa. je m'agenouille devant lui en lui touchant les joues. je le secoue légèrement. j'essaye de le réveiller, j'essaye qu'il ouvre les yeux de nouveau parce que je ne veux pas croire que c'est fini. Ce n'est pas terminé. je me tourne pour voir la femme disparaitre par la fenêtre. maman commence à la poursuivre. seulement, elle s'arrête sur le seuil de notre maison. elle revient vers moi.  elle prend mes mains couvertes de sang qu'elle commence à essuyer pour retirer ce liquide poisseux. Non. Je veux le toucher, je veux rester près de lui. j'enlève mes mains des mains de maman  pour venir les poser de nouveau sur papa. je pose même ma tête sur mon torse. ton père est partit dans un monde meilleur. il est bien où il est. et ne t'inquiète pas, il restera toujours près de toi. ... là. elle pose sa main sur mon coeur. je comprends ce qu'elle veut dire. je veux croire que c'est possible. cependant, les choses ne sont pas aussi faciles. je sais qu'avec le temps, ça peut disparaitre. que les images deviennent plus flous, que les odeurs et les parfums ne sont plus là. c'est pas vrai. je ne veux pas. je le veux près de moi. je sens l'eau salée sur mes lèvres. je me rends compte que je pleure. en même temps, je ne peux être plus forte que ça. je n'ai que quatorze ans. je suis encore une enfant.

courir. fuir. ne pas regarder en arrière. abandonner. marcher. courir. des larmes. des cris. un défilement d'arbres en continu. quelques secondes pour reprendre mon souffle. quelques secondes pour écouter les bruits. aucun pas derrière moi. rien. courir. trébucher. se relever les mains en sang et les essuyer sur sa robe. courir de nouveau. courir encore plus vite en n'ayant cette impression de n'avoir plus de souffle. un  an qu'il ne fait plus partit de nos vies. un an que maman ne veut rien me dire. elle ne veut pas m'en dire plus sur cette femme, sur la mort de mon père. elle se contente d'être  muette et de trouver une occupation quand je prononce une seule question en rapport avec ça. alors c'était ma meilleure solution. partir. c'est un grand mot parce que je sais que je ne peux pas partir. je ne peux pas abandonner la seule personne qu'il me reste. je suis en colère. je suis en colère contre elle mais ça ne durera pas plus que quelques heures me connaissant. alors oui je cours. oui je veux partir loin de cette maison qui me rappelle tellement de souvenirs. ça devient en vrai labyrinthe et pourtant j'arrive à éviter de nombreuses branches, j'arrive à trouver un passage au milieu de tout ça. je n'en peux plus seulement je veux encore courir, je veux mettre une distance. je veux que si elle vient me chercher, elle ne me trouvera pas avant plusieurs heures. je sais qu'elle le fera. je m'arrête d'un seul coup. je m'installe sur un énorme cailloux. je déchire le bas de ma robe pour m'essuyer le reste du sang de mes mains puis retenir la poussière que j'ai sur le visage. j'entends un drôle de bruit venant de derrière moi. j'attrape un bout de bois que je lève au-dessus de ma tête. le premier qui approche et je le frappe.  un homme sort de derrière des bois. je m'apprête à lui assener un coup quand il pose sa main sur mon bâton. du calme, demoiselle. je vous veux aucun mal. je vous ai vu courir et je voulais savoir si vous aviez besoin d'aide. je ne vois pas pourquoi je l'aurais cru. il a beau être très agréable à regarder. ça ne fait pas tout. ça ne fait rien même. les pires créatures peuvent être sublimes. je secoue le bâton afin d'essayer de le reprendre en ma possession. cependant, je ne suis pas assez forte. je n'ai pas besoin d'aide. et encore moins de quelqu'un que je ne connais pas. criais-je en le regardant droit dans les yeux. il se met à rire. je suis si drôle que ça. pourtant ce n'est pas la réaction que je veux qu'il est. alors il faut user de la manière plus réfléchie, utiliser sa tête et non la force. je donne un bon coup dans le tibia. et ça marche. je récupère l'usage de mon bâton et je lui donne un coup sur la tête. je le vois tituber mais le coup n'est pas assez fort pour qu'il tombe dans les pommes. il a toujours ce sourire sur son visage. je ne peux y croire. la demoiselle a du caractère. vous savez qu'il va faire nuit dans un peu plus d'une heure et que des bandits ont l'habitude de trainer dans le coin la nuit. je baisse mon bâton. peut-être que je l'ai mal juger et qu'il n'est pas si terrible que ça. je reprends place sur mon caillou. je ne crains rien. je peux parfaitement me cacher si je les vois. malgré mes quinze ans, j'ai un petit gabarit. je peux facilement me cacher dans une souche, derrière un arbre ou dans un buisson. teodore. il attrapa ma main et déposa un baiser dessus. en plus, il était galant. ce n'est pas tous les jours que ça arrive. je ne côtoie pas beaucoup les garçons. c'est même le premier qui me touche de cette façon.  ça fait toujours une drôle d'impression et pourtant je reste de marbre. je ne vais pas me déboussoler pour une touche de galanterie. la galanterie n'est qu'une facette pour avoir ce qu'il veut. les paroles de maman pour me tenir loin de la gente masculine.  je présume que c'est votre prénom. normalement, vous devriez me donner le votre. normalement. cependant, je ne dois pas dire que je fais les choses de la manière ordinaire. j'ai toujours eu ma dose de n'en faire qu'à ma tête.  Maybelle. dis-je au bout de quelques secondes. jamais je n'aurais pensé que ça puisse être le début. le début d'une amitié entre lui et moi. il est devenu la deuxième personne la plus importante de ma vie.

elle se tenait en face de moi. elle me rappelait chaque souvenir que j'avais de cette journée, que j'avais de la mort de papa. et pourtant ce n'était pas elle.  ce n'était pas cette sorcière. je pouvais enfin mettre un nom sur ces créatures. je pouvais enfin savoir toute l'histoire, chaque détail, chaque moment. je n'étais plus dans le flou. et j'étais contente de le savoir. surtout en sachant ce qui se passait dans ma famille depuis des générations et des générations. les femmes de notre lignée sont des chasseuses de sorcières. c'est une vieille tradition qui remonte à très longtemps. cependant maman en rencontrant papa avait tout abandonné, elle voulait une vie normale. elle voulait avoir une vie de famille comme elle l'avait toujours rêvé. seulement les choses l'ont rattrapé et elle a repris les armes. depuis le jour où je me suis enfuit, j'ai commencé un entrainement rigoureux et minutieux pour en devenir une moi-même. ça était le début de mon renouveau. le début de tout. c'était enfin quelque chose qui me faisait sentir à ma place. je naviguais plus dans le doute. je n'ai jamais été la tête dans un monde merveilleux depuis la mort de papa. je voulais autre chose et je me rends compte que c'était ça. inconscient au fond de moi, je voyais qu'il y avait quelque chose. observe, réfléchis et frappe. les trois mots que ne cessait de me répéter maman. pour elle, c'était les trois choses qui faisait qu'un chasseur était un bon chasseur. je crois que c'est plus ce qu'elle a toujours appris durant son entrainement à elle. c'était ma première sorcière. c'était la première sorcière que j'allais tué toute seule. je souffle un bon coup car même si je semble sûre de moi, une certaine peur se cache au fond de moi. je n'ai encore jamais fait ça. je ne connais que les statuts en bois de maman. il y a aucune chance que ça se passe mal. c'est dans mon sang, je venais y arriver. que la partie commence. murmurais-je à moi-même en sachant parfaitement qu'elle allait être mon plan. tout était dans ma tête, il ne me restait plus qu'à le mettre en action. je m'élançais. je maîtrise chaque arme, je maîtrise chaque partie de mon corps.  ma force est bien plus importante qu'avant. le combat commence. c'est difficile. plus dur que ce que j'avais cru. en même temps, rien n'est facile et encore moins une première fois. il faut du temps pour être plus forte, pour être plus rapide et tuer une sorcière en quelques minutes. la sorcière est enfin sur le sol. cependant, je m'aperçois que près d'elle, il y a quelqu'un d'autre. je ne fais pas attention parce que pour l'instant, la sorcière est ma préoccupation première. je mets fin à sa misérable vie. je donne un coup dans le corps d'à côté pour le retourner. je vois que c'est Teodore qui est entrain de reprendre conscience. qu'est-ce que tu fais là? je lui tends une main pour l'aider à se relever. je t'ai vu et j'ai voulu t'aider. il aurait pû se faire tuer. il aurait pû finir en bouchée de sorcière. je suis énervée parce que je ne veux pas que ça lui arrive. je ne veux pas perdre mon meilleur ami. tu aurais pû te faire tuer.  les sorcières ne font pas dans la clémence. lui dis-je en lui donnant un coup dans l'épaule. et il se mit à rire comme un idiot. je le poussais assez fort pour le faire chavirer sur le sol. il m'entraîne dans sa chute et je me retrouve au-dessus de lui. inversant les rôles, nos visages sont proches l'un de l'autre. il me regarde dans les yeux une main posée sur mes cheveux. il continue d'avancer son visage alors que je le regarde sans rien dire ou rien faire. je me rends compte de ce qui se passe et je le repousse. il tombe sur le côté et je me redresse. il m'attrape par le poignet pour que je me relève pas tout de suite. tu sais, je connais les sorcières. j'en ai déjà tué une. je savais ce que je faisais en venant t'aider. t'es un imbécile. tu aurais pû me parler de ça avant. quand je te parlais de la mort de mon père, tu me disais que ça devait être le fruit de mon imagination. s'il connaissait les sorcières, j'aurais aimé qu'il m'en parle. j'aurais aimé qu'il me  dise que je n'étais pas folle et que j'avais eu raison que la femme n'était pas une illusion de mon esprit. je me redresse, attrape la tête de la sorcière et regarde Teo en lui faisant un petit geste de la main.

ce fut long. ça prit énormément de temps pour arriver à Puyfaux. jamais je n'aurais pensé quitter l'Angleterre pour la France. et pourtant maman disait que c'était où nous devions aller. nous devions aller abattre de la sorcière. Teodore est venu avec nous. on chasse tous les trois désormais. on dit qu'on est plus fort à plusieurs et c'est la réalité. ça fait plusieurs mois qu'on est ici. les rencontres sont étranges. les rencontres sont nombreuses. cependant, il y a des rencontres qui sont plus différentes que d'autres. ça faisait combien de temps que je n'avais pas enfiler une robe. que je n'ai pas attaché mes cheveux comme une ladie. il était là. Gram, ce soldat à la langue bien pendu et aux techniques de charme pour faire chavirer toutes les filles. je ne suis pas toutes les filles et pourtant je suis là entrain de courir. il essaye de m'attraper dans le dédale de l'endroit. je souris, je m'amuse comme une petite gamine. il arrive à ma hauteur et me plaque contre un arbre. je sens les écorces dans mon dos. je sens la froideur qui se dégage de cette nature. j'aime quand une fille me résiste. ça devient tellement facile d'en avoir une. j'avais bien vu la façon dont les filles me regardaient quand je parlais avec Gram. elle me détestait pour avoir ce petit moment avec lui. ça m'était bien égal.  je n'ai jamais cherché à séduire quelqu'un et je n'ai jamais cherché à qu'on me séduise. je suis là pour la chasse, pas pour autre chose. de toute façon, je ne suis pas faite pour une vie ordinaire. pour une vie avec un mari et des enfants. maman a voulu le faire et pourtant ce n'est pas arrivé. le passé revient toujours. vous risquez d'attendre très longtemps parce que je suis très douée pour résister. il plaqua encore plus son corps contre le mien. la tension montait dans chaque partie de mon corps. je n'avais envie que d'une chose qu'il pose ses lèvres contre les miennes. cependant aucune chance pour que je vienne lui demande de le faire ou que je lui montre que j'en avais envie. elle ne dise pas ça pendant longtemps. il essayait de me pousser à bout. il essayait que je brise ma barrière. ma carapace pour lui sauter dessus. je fis glisser ma main le long de mon corps en effleurant le sien au passage. puis je posais mes mains sur son torse pour le repousser. contrairement à elle, je suis une chasseuse de sorcières. je ne fais pas dans la délicatesse. je réussis à me dérober à lui et à lui faire un petit sourire en coin pour lui montrer que je suis plus futée qui ne le pense. j'avance et je me cache derrière un arbre. si quelqu'un me voyait, il serait très grandement surpris de ma façon d'être. je ne suis pas avec tout le monde comme ça. loin de là. je me montre toujours froide, distante. je respire doucement et j'écoute ses pas. je les écoute afin de savoir par où il arrivera. et pour une fois, je me fais surprendre. je n'ai pas le temps de me rendre compte des choses qui me plaque à nouveau contre un arbre et que ces lèvres sont sur les miennes. c'est un baiser dont il met fin au bout de quelques secondes. quand j'ai envie de quelque chose, personne ne peut m'interdire de le faire. vous avez de la chance, vous m'avez prise par surprise. dis-je en sachant que j'en avais aussi envie que lui. je sens une goutte de sang dégouliner sur mon visage.  je lève la tête et j'aperçois le cadavre d'un homme accroché à une branche. je vois directement que c'est l'œuvre d'une sorcière. je plonge ma tête à l'avant, je soulève ma robe et j'attrape mon couteau. je déchire par la même occasion ma robe pour me permettre de mieux agir, de mieux me battre. je ne chasse jamais en robe. je n'aime pas ses tenues parce qu'elles sont pas adéquates pour certaines choses. elles vous compressent, elles vous rendent mal à l'aise. vous feriez mieux de partir. ça pourrait être dangereux. pas question, je suis un militaire. je suis capable de me défendre et de vous défendre. un rire sortit de ma gorge. je n'ai besoin de personne pour me défendre, pour bien prendre soin de moi. il a de la chance qu'une sorcière soit tout près de nous.